Il est question dans cette introduction d’étudier les théories de la citoyenneté à partir de la notion de corps. Parce que le corps politique doit se constituer comme corps, la métaphore de l’organisme travaille la philosophie politique depuis l’Antiquité grecque. Pour se constituer comme corps, le corps politique valorise un certain nombre de représentations du corps, et en exclut d’autres. Ce cours se concentre sur les mécanismes par lesquels certains corps sont exclus de la représentation du corps politique, et notamment, sur les dispositifs d’éviction et de contrôle du corps des femmes, des enfants, des fous, des sauvages, des étrangers, des esclaves, des corps des travailleurs : ces corps que le corps politique a eu (et continue d’avoir) beaucoup de difficultés à intégrer dans son fonctionnement majoritaire, sans ne pouvoir pour autant totalement les exclure, car il en a besoin pour fonctionner. Il s’agira donc de mettre en lumière un certain nombre de dispositifs permettant de discipliner, destituer ou exclure ces corps qui ne parviennent pas à être intégrés pleinement.
Dans un deuxième temps du cours, nous verrons plus en détail comment, dans l’histoire de la philosophie politique, les distinctions de classe, de genre et de race constituent des mécanismes de différenciation et hiérarchisation des sujets, comme autant de parties plus ou moins tolérées à l’intérieur du corps politique. Comme l’étudie Agamben, un dispositif récurrent consiste, par exemple, à assigner à certains groupes d’humains une identité biologique, proche de l’animalité, privée de logos, de raison, ou d’esprit, et réduite à la seule nécessité physique. Pour appréhender ces problèmes, nous étudierons ensemble des textes de facture classique (notamment Aristote, Hobbes, Rousseau, Marx, Mauss, etc.), mais aussi plus des textes plus contemporains (Foucault, Agamben, Todorov, Kantorowicz, Balibar, Mbembe, Butler, etc.) permettant d’introduire des notions de philosophie politique aussi diverses que celles de souveraineté, de corps social, de techniques du corps, de dispositifs disciplinaires, de violence symbolique légitime ou de biopolitique.
Enseignant : Alejandra MERINOMORA